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Une telle idée de nommer un passage en souvenir des premiers huissiers de la Nouvelle-France et de rappeler l’importante participation des huissiers à la vie et à l’histoire de Montréal et du Québec, vient d’André Mathieu qui, avec Gilles Boisvert, en assurèrent la réalisation. C’est d’ailleurs à la suite de nombreux déplacements, dont l’un effectué en 1983, que notre confrère Mathieu découvrit soudainement la rue des huissiers située à Neuilly-sur-Seine. Il n’en fallu pas davantage pour qu’il suggère l’idée au Comité organisateur du congrès international de 1985 (COCI ’85), qui l’accepta à l’unanimité. Cette rue, nommée jadis Chemin des Huissiers, tire son origine de l’ancienne corporation des huissiers de France qui y avait installé des boutiques et des ateliers pour le travail du bois. Il s’agissait alors d’ouvriers menuisiers et d’ébénistes spécialisés dans la fabrication des boiseries et des portes, également appelées «huis», d’où vient l’étymologie du mot « huissier », terme que l’on retrouve dans    l’expression «huis-clos».

Ainsi, le seul endroit public au monde nommé en l’honneur des huissiers de justice en leur qualité d’officiers de justice, se trouve donc à Montréal, et les confrères étrangers de passage en nos murs ne manquent pas de s’y faire photographier. Ailleurs, il faut se rendre sur la place de la Cathédrale à Auxerre en France, pour admirer la statue de l’huissier Guillaume Roussel, mieux connu sous le nom de Cadet Roussel.

«Signatures»

La réfection majeure de l’Allée des huissiers entreprise il y a plus d’un an, a été complétée par la plantation d’arbustes ornementaux et l’installation d’un mobilier urbain propice à la détente. Elle vient d’être couronnée par le dévoilement de

«Signatures» qui conservera pour toujours, la mémoire des signatures des huissiers Jean de Saint-Père (1648-1651), Michel Le Pailleur (1703-1730) et de Jean Baptiste Decoste. S’inspirant des auteurs Marcel Dymant et André  Mathieu, l’artiste a parcouru, à l’instar de notre confrère québécois, d’imposants registres à la couverture brune conservés aux Archives Nationales du Québec et contenant les actes des huissiers coloniaux répertoriés depuis la création de Montréal.

Comme nous pouvons le constater sur l’une des photos, l’ensemble est composé, comme le rappelait l’artiste : «de trois éléments empruntant au livre ouvert une disposition volumétrique triangulaire. Des pans d’acier se dressent à la verticale cadrant les pages de marbre blanc. Chacun des livres portant une signature, un relief presque abstrait, sculpté dans la matière rappelant le papier et travaille le contour de la signature enveloppant ainsi la calligraphie de chacun de ces valeureux huissiers ayant pratiqués à l’époque de Ville-Marie, le Montréal d’aujourd’hui.

Jean de Saint-Père exercera sa profession de janvier 1648 à juillet 1651 et du 10 avril 1655 à son assassinat en octobre 1657. Il sera au Canada, de l’histoire de Ville-Marie, le premier huissier, greffier et notaire.

 

Michel Le Pailleur débuta sa carrière d’huissier à Québec. En 1703, il vint s’établir à Montréal en qualité d’huissier supérieur. Il exerça jusqu’en 1730. Il fut successivement et parfois concurremment huissier, notaire royal, geôlier, procureur-postulant, greffier intérimaire, substitut du procureur du roi et lieutenant général civil et criminel intérimaire.

Jean Baptiste Decoste devint quant à lui huissier audiencier en 1733, il conserva ce poste jusqu’à la conquête. Plusieurs actes signés de sa main sont aujourd’hui conservés aux Archives Nationales du Québec.

Les sculptures sont placées en triade de manière à occuper l’espace désigné de façon significative rendant l’œuvre accessible  et  visible  toute  l’année. La composition de trois éléments exprime aussi la fondamentalité et cette formation par trois peut également correspondre à plusieurs interprétations symboliques.  Le lieu déjà inspiré par l’appellation d’Allée des Huissiers, nommé ainsi pour leur rendre hommage devait se refléter dans l’œuvre, c’est pourquoi l’aspect commémoratif est présent et inspiré aussi par le contexte très historique du Vieux-Montréal ».

Faut-il préciser, comme l’a souligné avec justesse le président Horic : « que le procès-verbal, REVÊTU D’UNE SIGNATURE MANUSCRITE, CONSTITUE ENCORE AUJOURD’HUI UN ACTE AUTHENTIQUE relativement aux faits que l’huissier a mission de constater. Avant que la signature virtuelle ne remporte une victoire définitive sur la signature manuscrite, il est bon de cristalliser dans un matériau noble exposé à la vue du public, comment l’être humain, et plus particulièrement l’huissier, a laissé sa marque personnelle en bas d’un document pour attester qu’il en est l’auteur et qu’il en approuve le contenu. »

 

L’artiste

Marie-France Brière vit et travaille à Montréal. Elle est titulaire d’une Maîtrise en arts plastiques de l’Université du Québec à Montréal. Sur le plan individuel, ses œuvres furent exposées dans plusieurs villes du Québec, notamment à la Galerie d’art du Centre Culturel de l’Université de Sherbrooke, au Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, et dans plusieurs galeries de Hull, Québec et Montréal.

Ses œuvres ornent également le Musée ferroviaire Canadien à Saint-Constant; la salle André Mathieu à Laval, le Pavillon Albert-Prévost de l’hôpital Sacré- Cœur de Montréal, la Cinémathèque Québécoise à Montréal, le Musée des arts et traditions populaires du Québec, et bien d’autres lieux aussi prestigieux les  uns que les autres.

Elle enseigne à l’Atelier de sculpture de l’UQÀM et fut membre du jury pour l’attribution des bourses au Conseil des Arts et des Lettres du Québec. En 1996, elle est récipiendaire du Prix Louis Comtois de la Ville de Montréal. Elle est en outre boursière du Conseil des arts du Canada, du Conseil des Arts et des Lettres du Québec, du Ministère de la Culture du Québec, du Ministère des Affaires Culturelles du Québec

Finalement, le répertoire des ouvrages traitant de ses œuvres constitue une importante bibliographie.

 

Source : Ronald Dubé, huissier de justice à Montréal